Le projet de Maurice de Sully à peine achevé, la cathédrale fit l’objet d’une série de transformations s’échelonnant jusque dans le troisième quart du XIVe siècle : transformation de l’élévation, ajout de chapelles entre les contreforts de la nef puis du chevet et allongement des deux bras du transept.
L’évêque et les chanoines décidèrent de modifier l’élévation de la cathédrale en adoptant une élévation à trois niveaux, peut-être à la suite d’un incendie dont Viollet-le-Duc retrouva les traces dans les combles des tribunes. Il semble que ces transformations commencèrent par le chevet dans les années 1220 pour se poursuivre dans la nef vers 1230. Les fenêtres hautes primitives, jugées trop petites, furent agrandies, ce qui nécessita de surélever les murs gouttereaux de près de trois mètres et de remonter entièrement la charpente du grand comble. Le système de couvertures des tribunes fut modifié, avec la suppression des toitures en appentis au profit de terrasses couvertes de dalles de pierre.
Afin de revoir complètement le système d’évacuation des eaux pluviales, on remania l’ensemble des arcs-boutants, à l’exception de trois volées du chevet situées à la suite du bras sud du transept. On dota les nouvelles volées, à leur base, d’un petit pinacle et d’une gargouille, et on ménagea un canal dans l’extrados, évacuant ainsi directement vers le sol les eaux des toitures. Pour en alléger le dessin, la tête de la volée fut percée d’un petit oculus trilobé. Une fois les baies primitives allongées à leur base sur une hauteur de plus de cinq mètres, ces nouvelles fenêtres reçurent un réseau composé de deux lancettes surmontées d’un grand oculus laissé vide, à l’inverse des habitudes du moment où l’on recourait plus volontiers à des formes polylobées, comme à Reims, mais qui permettait de maintenir une certaine unité avec les niveaux inférieurs, en particulier les ouvertures des tribunes.
Dans le même temps que se poursuivait la modification de l’élévation, on entreprit la construction des quatorze chapelles qui prennent place le long de la nef, entre les anciens contreforts des arcs-boutants. La plus ancienne, la première au nord, semble avoir été élevée vers 1225-1230, l’opération s’achevant aux alentours de 1245.
Véritable variation sur un thème, ces chapelles de la nef se caractérisent par des fenêtres aux réseaux diversifiés (une dizaine de modèles pour quatorze ouvertures) tout en s’harmonisant les unes avec les autres par le recours à un schéma de base commun. Un peu plus tardives que celles de la nef, les chapelles ouvrant sur les travées droites du chevet, au nombre de dix et établies vers 1260, illustrent un dessin architectural plus virtuose et raffiné, notamment à l’extérieur par l’accentuation des verticales, au moyen de gâbles qui surmontent les fenêtres – ces gâbles ont tous été refaits lors des restaurations du XIXe siècle d’après les modèles antérieurs ainsi que l’on peut le constater à partir des documents graphiques anciens, notamment les dessins réalisés par l’architecte Percier à la toute fin du XVIIIe siècle.
Les façades des transepts
L’adjonction des chapelles entre les contreforts de la nef nécessitèrent de prolonger le transept d’une travée au nord et d’une symétrique au sud, afin d’éviter un retrait du transept par rapport à l’alignement des chapelles, ce qui impliquait la construction de nouvelles façades. Un peu avant le milieu du XIIIe siècle, les chanoines et l’évêque se lancèrent dans une opération de prestige avec l’élévation des deux grandioses façades du transept, celle du nord dominant et solennisant le cloître canonial et celle du sud le palais épiscopal. Les travaux débutèrent vers 1245 par le bras nord, attribuables à l’architecte Jean de Chelles, également l’auteur des chapelles de la nef attenantes à cette partie du transept, auquel succéda en 1258 Pierre de Montreuil comme maître d’œuvre de la façade.
Au bras nord, Jean de Chelles opta pour une solution innovante, celle d’un mur écran en avant de la partie basse de la façade. Cet artifice lui permit d’implanter un portail doté de profonds ébrasements et coiffé d’un haut gâble. Au-dessus, il plaça un triforium vitré et une immense rose, la plus grande du moment puisqu’elle atteint 14m de diamètre. À l’intérieur, en partie basse, il fit usage de remplages aveugles pour orner les parois lisses. L’architecte innova en simulant des baies dès le niveau inférieur, dans un parfait effet illusionniste, qui souligne l’aspect translucide du mur (il est même probable que la polychromie originelle conférait à ces remplages l’aspect de vitraux).
Jean de Chelles jeta les bases du transept sud en février 1258 (comme l’atteste une inscription) avant d’être remplacé par Pierre de Montreuil. Si celui-ci reprit le schéma directeur de son prédécesseur, il en augmenta encore les effets de raffinement, réduisant le mur à l’état d’une membrane cristalline, et opta pour un dessin plus unitaire en reliant les différents niveaux, et en utilisant un répertoire décoratif d’une grande finesse qui génère une impression de fluidité, en particulier dans la rose qui alterne des motifs centrifuges (12 pétales) et centripètes (24 têtes de lancettes en forme de triangles incurvés). Il faut préciser que la rose sud fut modifiée au début du XVIIIe siècle puis fortement restaurée par Viollet-le-Duc. Les documents anciens montrent une œuvre plus légère encore que celle que nous admirons aujourd’hui, dans une composition moins statique en raison de l’absence de verticales ou d’horizontales pour les douze pétales du motif principal, suggérant ainsi un effet de rotation.
La série des chapelles fut complétée à partir de 1296 par celles enveloppant les parties tournantes du chevet, qui constituent un ensemble unitaire. La triple chapelle située dans l’axe fut élevée en premier et devait être achevée en 1304 puisqu’elle reçut, à cette date, la sépulture de Simon de Bucy. Ces chapelles eurent une grande influence sur l’architecture du règne de Philippe le Bel (1285-1314), celles réalisées contre le bas-côté nord de l’ancienne abbatiale de Saint-Denis sont probablement attribuables à l’architecte Pierre de Chelles (dont le nom apparaît dans une expertise de la cathédrale de Chartres, en 1316, qui lui donne le titre de maître de la fabrique (pour le chantier) de Notre-Dame de Paris.
Pierre de Chelles refit également les arcades faisant communiquer les deux bras du transept avec les doubles bas-côtés du chœur. On y retrouve, en effet, la même modénature et les mêmes détails architecturaux que pour la triple chapelle d’axe du chœur, comme les gâbles triangulaires (refaits au XIXe siècle mais observable sur une miniature des Heures d’Étienne Chevalier peintes par Jean Fouquet).
On doit probablement aussi lui attribuer la réfection des arcs-boutants du chevet. Quoiqu’il en soit, les travaux entrepris depuis le milieu du XIIIe siècle entrainèrent une nouvelle modification du système de contrebutement. Un faisceau de pinacles, très hauts et très fins, fut dressé au sommet des culées, alors qu’on appliqua à la base des contreforts un de remplage s’accordant avec les réseaux des fenêtres des nouvelles chapelles.
Les chapelles enveloppant le pourtour du chœur furent achevées vers 1320 par Jean Ravy qui succéda, vers 1318, à Jean de Chelles. Jean Ravy poursuivit également la construction de la clôture du chœur. Il se fit représenter agenouillé, les mains jointes, en face d’une inscription qui rappelle sa participation à cette œuvre. La clôture permettant d’isoler le sanctuaire et le chœur des chanoines a probablement été commencée à la fin du XIIIe siècle, peut-être par Pierre de Montreuil ou Pierre de Chelles, pour être poursuivie par Jean Ravy et terminée par Jean le Bouteiller, vers 1350. La cloison nord représente l’enfance et la vie publique du Christ. Le cycle se poursuivait sur le jubé (détruit à l’époque moderne) par la Passion pour s’achever avec le mur sud illustrant les manifestations de la Résurrection du Christ.