Les trésors de cathédrale en 2021

Conférence donnée le 14 septembre 2021

par Marie-Anne Sire

Inspectrice générale des monuments historiques

La nuit du 15 avril 2019 , alors que les pompiers unissaient leurs efforts pour lutter contre l’incendie qui ravageait la cathédrale Notre Dame de Paris , le transfert hors de l’édifice des objets les plus précieux de son Trésor, notamment de la relique de la Couronne d’épines, a été suivi avec émotion par un très large public : à cet instant , alors que la charpente était en flammes , que la flèche de Viollet-le-Duc venait de s’effondrer et que la stabilité des beffrois des tours Ouest se trouvait compromise, ces objets insignes ont incarné aux yeux du monde la mémoire de la cathédrale, et leur sauvetage par les pompiers a suscité un intérêt immense.

On a vu dans cet épisode ce que signifie la présence de ces objets précieux, réunis depuis le Moyen Age dans le trésor de leur cathédrale, et le lien organique qui existe entre eux et qui les unit à l’édifice.

Ces ensembles d’oeuvres associées à l’exercice et à l’ornement du culte n’étaient pas initialement destinés à être vus de manière permanente : ils étaient conservés loin des regards dans des chambres fortes, sous haute sécurité, du fait de la réserve monétaire qu’ils constituaient.

Pour l’Abbé Suger, qui a tenu au XIIè siècle à créer à l’abbaye de Saint-Denis un Trésor exceptionnel, il s’agissait d’aider les fidèles à passer de l’éclat matériel des œuvres à la perception d’une présence immatérielle, qui les renforce dans leur foi. Dès le XVIè siècle, les visiteurs, qui ont pu voir les œuvres exposées dans leurs vitrines, ont été sensibles à leur intérêt à la fois historique et artistique.

Les travaux des érudits du XVIIIè siècle, puis des premiers inspecteurs des monuments historiques et des historiens d’art au XIXè siècle, et des conservateurs des antiquités et objets d’art à partir de 1907, ont permis d’aboutir à leur protection au titre des monuments historiques.

Il a fallu attendre les années 1960 pour que soit engagée une véritable politique d’aménagement d’espaces dédiés à leur présentation dans leurs églises ou dans leurs cathédrales.

Leur ouverture au public a été depuis régulièrement menacée par des problèmes récurrents de sécurité ou de conservation. Elle demeure cependant aujourd’hui un objectif partagé par l’Etat et l’ensemble des collectivités territoriales. Elle répond aussi au vœu du clergé qui est associé à ces projets, les œuvres réunies dans ces Trésors restant affectées au culte.

On constate depuis les années 2000 un regain d’intérêt pour ces Trésors à la fois en France et dans les pays voisins, notamment en Belgique, en Allemagne, en Suisse , en Italie et en Espagne . A l’intérieur de nos frontières, on peut constater la multiplication des projets de renouvellement de ces présentations, initiés par l’Etat dans les cathédrales, comme par les Communes dans les églises qui leur appartiennent, et le net enrichissement des parcours de visite proposés grâce à aux recherches menées sur ces objets précieux (1).

(1) Voir le récent ouvrage collectif « Trésors des cathédrales » , sous la direction de Judith Kagan et Marie-Anne Sire, Editions du Patrimoine, Centre des monuments nationaux , 2018.