L’aménagement du chœur de la cathédrale Notre-Dame de Paris, du XVIIIe siècle au XXIe siècle, une histoire sans fin, première partie
Le chœur de Notre-Dame de la Renaissance à la Révolution
Conférence de Vincent Droguet
Les récentes découvertes faites à Notre-Dame, à la faveur du chantier, ont relancé les questionnements autour des aménagements anciens du chœur de ND et notamment de son jubé dont plusieurs éléments importants ont été retrouvés.
Je voudrais pour ma part, vous proposer une sorte de rappel des dispositions mises en place dans le chœur à la période classique, au XVIIe et XVIIIe siècle, en utilisant notamment les précieux dessins du fonds Robert de Cotte, conservé aux départements des Estampes de la BNF.
Le premier jubé de ND et la clôture de chœur furent réalisés entre 1300 et 1351 par Pierre de Chelles, Jean Ravy et le neveu de ce dernier, Jean le Bouteiller. Ce jubé et cette clôture étaient sculptés notamment des scènes de la Vie du Christ. Le jubé lui-même avait été réalisé avant 1335. On le connaît seulement par un dessin de Jean Pèlerin, daté de 1505 et extrait du De Artificiali Perspectiva et par un autre dessin exécuté par Jean Cellier en 1587, intitulé Portrait et perspective du dedans de l’église de Notre-Dame de Paris. On y aperçoit ce jubé, constitué de cinq arcades à gâbles, couronnée d’une galerie. Au dessus de l’arcade du milieu se dressait un grand crucifix entre la Vierge et saint Jean.
On distingue encore le revers de ce jubé dans le dessin d’Israël Silvestre conservé au cabinet des dessins et la disposition de l’arcade centrale est encore visible sur un dessin de De Cotte réalisé avant la démolition.
Le dessin de Silvestre nous permet également de nous faire une idée des dispositions de l’autel avec ses courtines latérales (comparaison avec l’autel de la Messe de Saint Gilles et la gravure du Te Deum de 1660).
Les interventions de Rosso Fiorentino :
Le peintre Rosso Fiorentino, arrivé en France au service de François Ier en 1530, est chanoine de la Sainte-Chapelle en 1532 et chanoine de Notre-Dame en 1537.
En 1538 (février 1537 ancien style), Rosso donnera le projet dessiné pour le nouveau bâton cantoral, insigne d’honneur du grand chantre de la cathédrale, clerc chargé en quelque sorte de la police au sein du chapitre. Ce bâton d’argent doré sera exécuté par l’orfèvre Macé Bégault et sera utilisé par tous les détenteurs de la charge jusqu’à la Révolution (le bâton est fondu en 1791).
Le grand chantre Michel Le Masle se fera d’ailleurs représenter vers 1646 avec le bâton cantoral derrière lui (portrait à Carnavalet, atelier de Vouet). Le bâton est encore représenté sur l’Antiphonaire de Notre-Dame et sur le dosseret de la chaire du grand chantre, parmi les boiseries du chœur.
Rosso, peu avant sa mort, avait également fourni, à la demande du chapitre, un dessin pour une nouvelle clôture du chœur, dont le menuisier Francesco Scibec de Carpi avait été chargé de la réalisation.
En 1518, François Ier avait fait démolir la clôture de pierre placée à l’intérieur du sanctuaire entre le chœur des chanoines et le maître-autel, afin de donner plus d’espace à la foule de seigneurs qui devaient assister à une grande cérémonie (sans doute la prestation des serments des anglais et des français à l’occasion de la réception de l’ambassadeur de Henri VIII). Devant la protestation des chanoines, le roi avait promis de rétablir cette clôture et donna de l’argent, ce qui permit à un fondeur – car la clôture devait être rétablie en cuivre – de commencer le travail. Mais celui-ci fut interrompu faute d’argent. En 1534, une seconde donation du roi devait permettre de relancer les travaux, mais en fait rien ne fut fait avant l’entrée de Rosso dans le chapitre canonial. Dès octobre 1537, les chanoines sollicitèrent Rosso de concevoir un projet pour la clôture entre leur chœur et le maître-autel.
C’est ainsi qu’un marché avec Scibec de Carpi fut passé en mai 1538 : la nouvelle clôture imaginée par Rosso devait comporter à la fois de la menuiserie et des parties métalliques, mais aussi des éléments de marbre noir.
Après la mort de Rosso, alors que la clôture était loin d’être achevée, un procès opposa Scibec de Carpi aux chanoines. Les travaux reprirent cependant en 1542 et la mise en place de la clôture intervint finalement en mai 1543.
Cette clôture isolait en fait le chœur des chanoines à l’est d’un allée ou « traverse » qui séparait le chœur du maître-autel. En fait, cette clôture correspondait à un espace réel mais aussi juridique puisque depuis le XIVe siècle, la juridiction des chanoines s’étendait sur le « chœur », depuis le jubé jusqu’à cette clôture, celle de l’évêque sur le chevet et ses deux autels, et une juridiction commune s’appliquait à la traverse entre les deux.
Cette clôture, dont nous n’avons aucune représentation, était mobile, selon le vœu des chanoines, de manière à ne pas renouveler la mésaventure de 1518 et elle fut donc démontée pour le service funèbre de François Ier en 1547. Elle était encore en place en 1587 et encore en 1615 pour le mariage de Louis XIII, mais dut être définitivement ôtée peu après.
L’autel de la Vierge et le nouveau jubé :
Au début du XVIIe siècle, le chœur de Notre-Dame possédait encore son jubé gothique et sa clôture également du XIVe siècle. En 1565, 1566 et 1568 les chanoines feront d’ailleurs faire des réparations au mur de clôture du chœur.
A droite du jubé, au pied du pilier sud-est de la croisée, était installée la statue de la Vierge devant laquelle on installa, en 1374, un autel portatif. Vers le milieu du XVe siècle, c’était devenu une chapelle avec un autel fixe sur lequel on célébrait la messe tous les jours. La statue miraculeuse de la Vierge, vêtue d’une robe, sera abattue à deux reprises pendant les conflits religieux.
A la fin de 1627, un nouveau miracle s’était déroulé devant la statue de la Vierge et la reine Anne d’Autriche décida de faire reconstruire l’autel et la chapelle de la Vierge. La réalisation de ce nouvel autel eut lieu en 1628 et fut achevée à la fin de l’année. On connaît cet autel enclos d’un balustre formant chapelle notamment par une gravure de Balthazar Moncornet, datant de 1670.
L’autel, adossé à la partie droite du jubé, était surmonté d’un retable dont le fronton interrompu était supporté par deux grandes figures cariatides. Au centre était placée la statue miraculeuse avec sa robe, tandis que de part et d’autre dans des niches prenaient place des statues de sainte Anne et de saint Louis réalisées par Jacques Sarrasin à son retour de Rome. Sur les volutes du fronton, les figures des évangélistes Jean et Matthieu étaient agenouillées. Le fond du retable autour de la Vierge était entièrement tapissé d’ex-votos en hommage aux miracles accomplis.
La clôture de marbre isolant cet autel ne sera réalisée qu’en 1645-46, toujours aux frais d’Anne d’Autriche.
Par souci de symétrie que l’on reconstruisit également dans les années suivantes l’autel de saint Sébastien, autel sur lequel la corporation des orfèvres exposait tous les ans le tableau qu’ils offraient pour le premier mai. Cet autel, un peu moins riche que celui de la Vierge, répondait au même schéma.
En réalité, la construction de ces deux autels constituait un nouveau jubé et avait entraîné la démolition partielle du jubé gothique. Pour réunir ces deux autels, on éleva une nouvelle porte, falquée de colonnes torses et dont le tympan était orné d’un relief représentant une Piéta. Mais au dessus de ce grand portail, on avait laissé subsister la croix de pierre gothique ainsi que les statues anciennes de la Vierge et de saint Jean. C’est l’état du jubé qui devait durer jusqu’au début du XVIIIe siècle.
Le « Vœu de Louis XIII »
Les années 1630 allaient encore être marquées par un évènement qui devait décider de transformations très importantes pour l’intérieur de la cathédrale : il s’agit du vœu de Louis XIII à la Vierge en 1638. Par ce vœu, dont l’annonce fut faite le 10 février 1638, Louis XIII consacrait sa personne, son royaume, sa couronne et ses sujets à la Vierge. Cette action de grâce fut célébrée avec éclat pour la première fois le 15 août 1638. Ce « vœu de Louis XIII » intervenait en même temps que l’annonce de la grossesse de la reine, considérée comme quasi miraculeuse, intervenant après 23 ans d’une union stérile. Pourtant ce vœu n’était pas qu’un geste de remerciement pour cette annonce de la naissance possible et finalement avérée d’un Dauphin. Par ce geste, le roi entendait également faire entendre à l’Europe entière que l’Espagne n’avait pas le monopole de la foi catholique et d’une relation privilégiée avec Dieu.
Par ce vœu, le roi avait promis de rénover le chœur de Notre-Dame et d’y installer une représentation de la Piéta : « Pour monument et marque immortelle de la consécration que nous faisons, nous ferons construire de nouveau le grand autel de l’église cathédrale de Paris, avec une image de la Vierge qui tienne entre ses bras celle de son précieux fils descendu de la croix ; nous serons représenté au pied et du Fils et de la Mère comme leur offrant notre couronne et notre sceptre ». Louis XIII étant mort en 1643, il n’eut pas le temps de réaliser cette promesse et c’est son fils, Louis XIV, qui devait mener ce grand chantier à la fin de son règne comme nous le verrons.
Mais cependant, c’est pour célébrer ce vœu que Philippe de Champaigne peignit pour le maître-autel de la cathédrale un tableau représentant Louis XIII, portant le manteau fleurdelisé du sacre, agenouillé devant la Vierge (qui est représentée en Piéta) à laquelle il offre son sceptre et sa couronne (musée des Beaux-arts de Caen).
La tenture de la Vie de la Vierge :
En attendant la rénovation générale du choeur, qui devait tarder plus de 60 ans une autre grande entreprise fut entamée en réponse au vœu du roi et à l’initiative du cardinal de Richelieu : il s’agit de la commande et du tissage d’une imposante tenture sur le thème de la Vie de la Vierge, destinée à prendre place les jours de fête, dans le chœur.
L’usage était en effet, pour les grandes solennités, de tendre les parois du chœur des églises et a fortiori des cathédrales de tapisseries sur des sujets religieux qui constituaient un décor d’une richesse et d’une somptuosité remarquables. Ainsi, le pape Léon X avait-il commandé à Raphaël la fameuse tenture des Actes des Apôtres pour le chœur de la chapelle Sixtine ; ainsi, Jean de Longwy, cardinal de Givry et évêque de Langres avait-il confié en 1543 à Jean Cousin la réalisation d’une grande tenture illustrant la Vie de saint Mammès, connue encore aujourd’hui par les deux pièces de Langres et par celle du Louvre.
La tenture, en quatorze pièces, fut commandée en réalité par le chanoine Le Masle, grand chantre de la cathédrale, dont nous avons vu le portrait avec le bâton cantoral de Rosso. Mais Le Masle était également l’intendant de Richelieu et à vrai dire une des créatures du cardinal. Les armes de Richelieu figurant dans bordure de toutes les pièces, on peut se demander si la tenture ne fut pas en réalité commandée par Richelieu par l’intermédiaire de Le Masle, ou encore si celui-ci ne fit pas acte de courtisanerie envers le cardinal en plaçant les armes de ce dernier sur des tapisseries que lui, le Masle, avait offertes.
Quoiqu’il en soit, la réalisation des cartons fut confiée à partir de 1638 à Philippe de Champaigne, le peintre attitré du cardinal. Champaigne donna les cartons des deux premières scènes, La Nativité de la Vierge et la Présentation de la Vierge au Temple, qui furent livrées au chapitre en 1640 (cartons au musée d’Arras).
Sans doute en raison du décès de Richelieu, le tissage de la tenture fut suspendu après la réalisation des deux premières pièces pendant 10 ans et ne reprit qu’en 1650. Mais entre temps, Champaigne avait abandonné l’entreprise et le carton suivant fut confié à un autre peintre, Jacques Stella. C’est à lui que l’on doit en effet le Mariage de la Vierge, carton conservé au musée des Augustins à Toulouse, et traduit en tapisserie en 1650.
Les onze autres tapisseries devaient être réalisées entre 1652 et 1657, sur les cartons d’un troisième peintre, Charles Poerson. Mais on conserva jusqu’à la fin les mêmes bordures et les armes du cardinal de Richelieu continuèrent d’y figurer. Le cycle se terminait par un Couronnement de la Vierge dont le carton est toujours conservé au musée de Mayence. Ces dernières pièces sur les cartons de Poerson furent exécutées par le lissier parisien Pierre Damour, qui signe en toutes lettres au bas de la tapisserie.
La tenture était donc complète en 1657 et dut servir à partir de cette date à parer le chœur de la cathédrale lors des grandes fêtes. Mais après les grands travaux menés à la fin du règne de Louis XIV, les tapisseries ne trouvèrent plus leur place dans le nouvel aménagement du chœur. Les chanoines les remisèrent, les prêtèrent parfois, puis se décidèrent à les vendre en 1739 au chapitre de la cathédrale de Strasbourg où elles se trouvent toujours.
Les grands travaux de Louis XIV :
Les projets de la fin du XVIIe siècle
Quarante ans après la mort de Louis XIII, intervenue en 1643, rien n’avait encore été réalisé du vœu du roi quant à l’aménagement du chœur de la cathédrale. Louis XIV enfant, en 1650, avait bien renouvelé le vœu de son père (Tableau de Champaigne à Hambourg), mais rien n’avait été effectué et dans la seconde moitié du XVIIe siècle, les dispositions du chœur n’avaient pas changé par rapport à la situation du début du XVIIe siècle, si ce n’est le « nouveau jubé » avec ses deux autels reconstruits (2 plans fin XVIIe).
En 1685 toutefois, au sommet de sa gloire, Louis XIV se soucia de mettre à exécution la promesse de son père. On a trace en effet dans les documents d’un projet ambitieux, très certainement imputable à Jules Hardouin-Mansart qui aurait comporté un baldaquin à colonnes torses en bronze, selon le modèle de celui du Bernin à Saint Pierre de Rome, mais aussi des statues grandeur nature en argent, ainsi qu’un pavillon et un retable également en argent. Cet ensemble extrêmement riche aurait constitué en quelque sorte un pendant religieux au fameux mobilier d’argent dont le roi venait de doter le grand appartement de Versailles. Mais le projet fut ajourné apparemment sans laisser plus de traces.
On ne devait reprendre l’idée d’une transformation du chœur de Notre-Dame qu’à la toute fin du siècle, après la paix de Ryswick signée à l’automne 1697. Un an plus tard, en novembre 1698, alors que la fin des hostilités permettait d’envisager de nouveau des projets d’envergure, Mme de Maintenon écrivait à l’archevêque de Paris que le roi était « très résolu de faire travailler à l’autel de Nostre Dame … ». Mansart se remit donc au travail et présenta au début de l’année 1699 au roi un projet d’autel circulaire, c’est-à-dire en réalité de baldaquin sur plan circulaire. Ce projet est connu notamment par un dessin des archives nationales agréé par le roi à la date du 19 mars 1699 et par une médaille commémorative. Mansart reprend ici l’idée déjà avancée apparemment en 1685, soit de placer l’autel majeur de la cathédrale sous un baldaquin à colonnes torses dont on avait déjà un exemple à Paris avec celui du Val de Grâce et dont Mansart lui-même était également en train de doter le chœur de l’église des Invalides.
Un modèle en bois peint en faux marbre, à grandeur d’exécution, fut réalisé et placé dans la cathédrale. Il fut dévoilé au public le 19 juin 1700, mais Le projet fut alors vivement critiqué pour ses dimensions, en désaccord avec le cadre architectural, et pour son style. Louis XIV eut-il vent de ces critiques ? En tous cas, Mansart fut amené à présenter un nouveau projet à la fin de 1701. On ignore pourquoi ce projet ne fut pas mis à exécution, mais on peut penser que les hostilités ayant repris en 1701, avec la guerre de Succession d’Espagne, l’aménagement imaginé par Mansart fut trouvé trop coûteux pour être engagé dans une telle période, les finances royales ayant déjà à supporter l’achèvement de deux grands chantiers religieux : celui de l’église des Invalides et celui de la chapelle de Versailles. Le modèle de bois à grandeur fut même démoli en 1703 et Mansart devait mourir en 1708 sans avoir pu réaliser son projet.
Entre temps, d’autres projets avaient été conçus, plus ou moins en écho aux idées de Jules Hardouin-Mansart. Il existe dans le fonds De Cotte à la Bibliothèque nationale un dessin autrefois attribué par Fiske Kimball à Gilles-Marie Oppenort et daté de 1699 qui reprend le principe du baldaquin à colonnes torses, mais cette fois encadré de palmiers et destiné en réalité à abriter non pas un autel mais le Vœu de Louis XIII proprement dit soit la figure de la Vierge à l’Enfant debout sur un globe terrestre et adorée par Louis XIII représenté en armure, près de la colonne de droite. Notons que cet aménagement laissait subsister l’ancien jubé avec ces deux autels.
D’autre projets attribués à Pierre Lepautre existent dans le fonds De Cotte.
– Un projet d’autel « pour être placé entre les deux gros piliers qui séparent la nef du chœur de Notre-Dame », vers 1699.
– Un autre dessin qui constitue sans doute une proposition alternative aux projets de Mansart de 1701 et tenant compte des critiques avancées contre le motif du baldaquin. Ce dessin que Kimball a attribué à Pierre Le Pautre peut dans doute être daté autour de 1703. Il montre un autel placé au fond d’un chœur entièrement redessiné, comme le souhaitait Mansart, où le Vœu de Louis XIII se trouve limité à un bas-relief sur le devant d’autel. Les grands anges porteurs de torches posés sur des consoles se référent peut être aux anges d’argent prévus dans le projet de 1685.
La réalisation sous la direction de Robert De Cotte :
En 1708 (date de la mort de Jules Hardouin-Mansart), un chanoine de Notre-Dame, le chanoine de La Porte, s’engageait à avancer 10 000 livres par an pour commencer effectivement le chantier, accomplir le vœu de Louis XIII et réaliser la nouvelle décoration du chœur. Cette initiative engagea Louis XIV à relancer le chantier, sous la conduite de Robert de Cotte, beau-frère et successeur de Jules Hardouin.
On enleva alors les stalles et on démolit le jubé avec ses deux autels des années 1630, tandis que l’office canonial se transportait dans la chapelle de saint Crépin et Crépinien.
Les stalles des chanoines et la chaire archiépiscopale devaient être refaites à neuf et remplacer les vieilles stalles gothiques. Le marché fut passé en mai 1710 avec les sculpteurs de la Société pour les Bâtiments du roi, Jules Degoullons, André et Mathieu Legoupil, Pierre Taupin et Robert de Lalande, qui intervenaient depuis 1699 dans les chantiers royaux et dont Bruno Pons a admirablement retracé la carrière et analysé le style. Une part de dessin de ces stalles revient certainement à François-Antoine Vassé, sculpteur et ornemaniste qui collabora avec Robert de Cotte sur ce chantier du chœur de Notre-Dame et qui intervenait également à la même date, comme donneur de modèles, dans la chapelle de Versailles.
Le dessin des stalles de Notre-Dame, dont les médaillons sculptés des dosserets illustrent la Vie de la Vierge, rappelle le précédent des stalles de la cathédrale d’Orléans quelques années auparavant. Les grands panneaux rectangulaires, échancrés en partie haute et arrondis dans la partie basse, rappellent notamment le dessin des boiseries du château de Bercy, réalisées dans les années 1713-1714 par les mêmes sculpteurs.
Au dessus des stalles, on devait installer, non plus les tapisseries de la Vie de la Vierge tissées à partir de 1638, mais une série de toiles, également illustrant la Vie de la Vierge, offertes par le chanoine de La Porte et réalisées par Hallé, Jean Jouvenet, Coypel, Louis de Boulogne et Charles de la Fosse : Visitation par Jean Jouvenet (à Notre-Dame), Adoration des Mages par La Fosse (au Louvre).
Mais surtout, un programme statuaire très complet, accomplissant enfin le Vœu de Louis XIII formulé en 1638, fut mis en place.
Dans ce cadre, Guillaume Coustou réalisa en 1712-1714 une statue représentant Louis XIII agenouillé offrant sa couronne et son sceptre à la Vierge, tandis qu’Antoine Coysevox figurait Louis XIV, en costume de sacre, en adoration. Ces deux sculptures de marbre étaient originellement placées sur des piédestaux dessinés par Vassé qui disparurent sous la Révolution.
Le groupe de la Piéta, objet de l’adoration des deux rois, fut réalisé entre 1712 et 1725 par Nicolas Coustou, frère aîné de Guillaume, et mis en place seulement en 1728, soit bien après la mort de Louis XIV.
Ce groupe, placé dans une niche au fond du chœur, quitta la cathédrale comme les deux figures précédentes au moment de la Révolution, mais y fit retour, seul, en 1802. C’est pourquoi on le voit figurer dans le fameux tableau de David représentant le Sacre de Napoléon Ier.
Autour de cet ensemble de sculptures de marbre, s’ordonnaient les figures des anges portant les instruments de la Passion, figures grandeur nature exécutées en bronze patiné en 1712-1713. Ces figures d’anges qui sont revenues dans le chœur de ND, étaient posées à l’origine sur des consoles traitées en cul-de-lampe, dessinées par François-Antoine Vassé et réalisées en bronze doré. On y distingue :
- L’Ange portant la lance par Anselme Flamen
- L’ange portant l’éponge par Simon Hurtelle
- L’Ange tenant le Titulus (INRI) par Philippe Magnier
- L’Ange portant les clous par Claude Poirier
- L’Ange portant la Couronne d’épines et l’Ange portant le roseau par Corneille Van Clève, ces derniers réalisés seulement entre 1713 et 1720 et se trouvant à l’origine les plus près de l’autel.
Cet ensemble exceptionnel de figures prenait place dans un cadre architectural rénové. Les piliers gothiques disparaissaient en effet derrière un revêtement de marbre qui imposait une architecture de proportions classiques dans le chœur de cette cathédrale gothique. Les faces de ces piliers furent ornées de chutes d’ornements dont les dessins avaient été donnés par Vassé. Au dessus des arcades, des figures groupées par deux et assises dans les écoinçons figuraient les Vertus, réalisées en plomb doré sur des modèles de Philippe Bertrand, Jean-Baptiste Poultier, René Frémin, Pierre Lepautre, Jean-Louis Lemoyne, Jean Thierry.
C’est encore François-Antoine Vassé qui devait donner les dessins pour le maître-autel, réalisé entre 1711 et 1715. C’est d’ailleurs à l’occasion des travaux entrepris pour fonder ce nouvel autel que l’on fit la découverte, en mars 1711, dans le sous-sol, du fameux « pilier des Nautes », sorte de colonne votive d’époque romaine, dédiée à l’empereur Tibère et élevée par la corporation des mariniers (aujourd’hui conservé au musée de Cluny). Le maître-autel imaginé par Vassé comportait un grand relief représentant la Mise au tombeau dont le modèle en plâtre dû à Vassé fut mis en place pour juger de l’effet mais resta à cette place jusqu’en 1752, date à laquelle, Louis-Antoine Vassé, le fils de François-Antoine, réalisa la fonte en bronze et installa l’œuvre définitive. Les deux anges de bronze placés aux extrémités sur des consoles en volutes furent réalisés en 1714 et installés en 1720 seulement.
Ainsi, au début du règne de Louis XV, le chœur de Notre-Dame avait-il été entièrement redécoré, en accomplissement du vœu de Louis XIII de 1638, mais en allant en fait bien plus loin que les termes initiaux de ce vœu. Le chœur gothique avait été totalement remodelé pour le transformer en un ensemble tenant à la fois du classique et de la rocaille. Cette transformation du chœur de Notre-Dame de Paris devait rapidement servir de modèles à toute une série de modernisation qui affecta le chœur de beaucoup de cathédrales ou d’abbayes françaises au cours du XVIIIe siècle.
Travaux du cardinal de Noailles :
De son côté, le jubé restait encore à la mort de Louis XIV le vieux jubé des années 1630, la porte exceptée qui avait été remplacée à l’initiative de Robert de Cotte par une superbe porte de ferronnerie due à François Caffin. Le cardinal de Noailles, archevêque de Paris, offrit de remplacer les deux autels de la Vierge et de Saint Sébastien. C’est ainsi que François-Antoine Vassé intervint de nouveau sur cette partie en donnant plusieurs projets pour l’autel de la Vierge à droite et pour l’autel de Saint Sébastien à gauche, transformé ensuite en autel dédié à saint Denis. Ces dessins sont conservés dans le fonds De Cotte et les projets de Vassé furent réalisés entre 1719 et 1722. Cet aménagement du Jubé a disparu sous la Révolution, mais la statue de Vierge à l’enfant par Vassé subsiste toujours et porte la date de 1722.
Notre-Dame à la fin de l’Ancien régime :
- Gravure de Née d’après Moitte représentant l’action de grâce de Marie-Antoinette après la naissance du Dauphin en 1781. Jubé toujours visible ainsi que les Mays.
- Gravure : La bénédiction des drapeaux de la garde nationale en septembre 1789.
- Culte de la déesse Raison dans le chœur de ND en 1794 : gravure de la période révolutionnaire
- Tableau de Charles-Louis Muller (1878)